Changer le format de la Coopération sénégalo-turque, de manière à ce que l’économie sénégalaise respire mieux la santé, c’est ce que préconise Mouhamadou Moustapha Ly, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Dans son analyse, stimulée par la visite du Président Erdogan au pays de la téranga, l’économiste fait remarquer que le Sénégal importe tout de la Turquie et y exporte ses matières premières. Ce qui crée, selon lui, un déséquilibre économique, au sein de notre économie. Pour y remédier, il juge nécessaire d’arrêter l’exportation de matières premières, vers la Turquie et d’intégrer dans la chaine de production industrielle de son partenaire. Ce qui sera plus avantageux, en termes de création d’emploi et croissance économique future.

La récente visite du Président de la République de Turquie au Sénégal a été l’occasion de signer un certain nombre d’accords de Coopération entre les deux pays. Ces Accords ont concerné les domaines ferroviaires, du tourisme, des hydrocarbures, des mines et de l’énergie. Il faut noter que les relations politiques et commerciales entre les deux pays sont très dynamiques et la tendance est le renforcement de celles-ci. Cela est d’autant plus vrai qu’en 2016, les échanges commerciaux étaient estimés à 144,6 millions de dollars.

Cependant, malgré ces rapports entre les deux pays, Mouhamadou Moustapha Ly, Enseignant chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) émet des réserves, quant à la manière, dont le Sénégal a construit sa coopération avec le pays d’Erdogan. En effet, il est regrettable, à son avis, que «notre pays n’exporte que des matières premières vers la Turquie». Autrement dit, «il importe tout, du reste». Pour l’année 2016, rappelle notre interlocuteur, le Sénégal a, principalement, importé de Turquie des biens intermédiaires (43% du total des importations de la Turquie), des biens de consommation courante (35%), de métaux (24,5%) et des biens d’équipement (20%), de produits alimentaires (8,15%)».

Le contenu des échanges montrant, d’après lui,  que le Sénégal importe davantage de produits de consommation courante entrant dans la petite industrie (du bâtiment, par exemple) ou destinés à la consommation finale des ménages. De l’autre côté, les exportations du Sénégal sont à un peu moins de 60%, constituées de matières premières brutes, de minerais (32%) et de produits agricoles non-transformés (13%), a-t-il renchéri. Aussi, se demande-t-il : «l’économie sénégalaise peut-elle bâtir une croissance soutenable sur cette base ?». Une possible première réponse serait, selon lui, de dire que la structure de nos échanges avec la Turquie découle, simplement, de l’avantage comparatif, que nous avons dans les domaines agricoles et des ressources naturelles, en général. Donc, «les décideurs politiques ne devraient pas se contenter d’avantages comparatifs avec la Turquie, et continuer dans cette structure des échanges, jusqu’à épuisement de nos ressources naturelles, pour, enfin, penser à orienter notre économie vers d’autres secteurs».

«Cette réorientation du commerce aurait, également, l’avantage d’améliorer, à terme, le déficit commercial important avec la Turquie… »

Face à cette situation, il suggère que notre pays sorte du schéma classique de «pays pauvre exportateur de matières premières brutes et importateur de tout le reste». Sinon, prévient le spécialiste des questions économiques, «le Sénégal se viderait de tous ses matières premières. A la place, M Ly préconise que le Sénégal soit intégré dans la chaine de production industrielle de son partenaire. Ce qui sera plus avantageux, en termes de création d’emplois et croissance économique future». 

Pour ce faire, il est indispensable d’intégrer, à son avis, «le commerce mondial à la façon de ce qui s’est fait en Asie de l’Est». Car, avec cette nouvelle méthode, le Sénégal sera même en mesure «de négocier avec la Turquie en échange de ses importations, que des investissements directs étrangers avec une clause de transferts de technologie soient réalisés au Sénégal».

Poursuivant, l’Enseignant-chercheur explique qu’avec «le prix de notre main-d’œuvre, relativement, très compétitive, le Sénégal pourrait développer une industrie de fabrication de composantes pour certains biens à forte intensité technologique. Ce qui revient à dire, d’après lui, que l’industrie automobile turque se fournirait, alors, à partir du Sénégal, en intrants (câbles, textiles, éclairages etc.)». Ce qui suppose, précise-t-il,  «bien entendu, une main-d’œuvre qualifiée dans ces domaines ; ce qui ne peut constituer un obstacle avec le développement de partenariat public-privé entre l’Etat du Sénégal et les industriels turc».

Avec cette nouvelle stratégie de coopération, «le Sénégal gagnerait, ainsi», si l’on se fie aux explications du spécialiste, «dans le court terme, à développer son système de formation professionnel, ouvrir des opportunités d’emplois pour les jeunes, et entamer un développement industriel pérenne». Cette réorientation du commerce aurait, également, souligne l’universitaire, «l’avantage d’améliorer, à terme, le déficit commercial important, que nous ayons avec la Turquie, mais aussi d’enclencher un processus qui nous intégrerait davantage dans le commerce mondial comme cela a été le cas pour des pays comme le Cambodge».

                                                                                                                                                                Aliou KANE

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