Avec l’adoption possible du parrainage pour valider toutes les candidatures à l’élection présidentielle, c’est une sorte de redondance qui s’introduit dans le processus sans autre apport que la suspicion et, éventuellement, la rancœur. LaConstitution reconnaît aux partis politiques le droit de  concourir aux suffrages des citoyens. Les candidats indépendants sont, eux, soumis à la collecte de signatures, pour prendre part à l’élection, selon des modalités également précisées par la loi. Pourquoi rendre encore plus compliqué ce déroulement qui ne manque ni de rigueur ni d’ancrage démocratique pour donner au candidat élu la légitimité et l’autorité requises pour gouverner ? D’autres mesures pourraient suivre, comme l’augmentation de la caution pour le dépôt de candidature. Le profil qui se dessine ainsi prend les allures d’un dispositif de dissuasion à l’usage d’éventuels candidats.

Les 65 millions de francs Cfa demandés pour la participation à la course électorale avaient été jugés exorbitants après qu’ils ont été imposés en 2012 par l’ancien président Abdoulaye Wade. A l’épreuve des faits, on s’est rendu compte qu’ils n’avaient pas découragé grand monde, si tel était l’objectif, puisque quatorze candidatures ont été enregistrées et deux ou trois autres rejetées. Or il apparait nettement que le pouvoir sortant essaie d’agir sur l’environnement juridique et réglementaire afin, selon toute probabilité, d’augmenter ses chances de remporter le scrutin.

Du temps où ils étaient au pouvoir, des socialistes soutenaient que les victoires électorales sont des victoires techniques. Il s’agit du contrôle de tout le processus, des inscriptions au retrait des cartes d’électeurs et à l’acheminement de  leurs partisans au lieu de vote. Un travail rigoureux d’organisation et d’accompagnement. Etaient aussi souvent à l’œuvre des manœuvres moins avouables de dispersion, voire d’égarement pur et simple des documents de vote des électeurs aux choix hostiles ou incertains.

L’organisation d’élections transparentes et crédibles a mis du temps à se faire admettre au Sénégal. Il n’y a d’ailleurs sur ce plan aucun acquis définitif. Chaque consultation est une nouvelle mise en jeu et il serait inacceptable de faire croire que le pays a atteint un tel niveau en matière de démocratie qu’il est impossible d’y truquer des élections. Ce n’est pas vrai. Des accusations de truquages électoraux s’élèvent encore dans des pays réputés modèles démocratiques comme les Etats-unis et la France.

La démocratie évolue au Sénégal. C’est incontestable. Mais le chemin à parcourir est encore long car bien des actes constitutifs du respect de la majorité et des droits de la minorité restent à poser. Restent encore en chantier la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice notamment, et tout ce qui participe à l’achèvement d’une architecture stable et sûre.

«Les majorités sont sociologiques !» avait répliqué Abdoulaye Bathily, leader de la Ligue démocratique, à l’époque. Et c’est bien ainsi car les majorités «techniques» se construisent en privant des citoyens de leurs droits de vote pour favoriser un groupe. C’est un corps électoral qui se construit par déduction et mise à l’écart abusive de citoyens, par suite d’opérations illicites. Sa suprématie porte les germes de la contestation et de l’instabilité.

Mame Less Camara SOURCEA

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