Dans un village niché dans la Commune de N’dorna, dans la région de Kolda, quand un homme mange la partie dorsale du poulet, il peut, immédiatement, dire bye-bye à sa virité. Parce qu’il aura foulé au pied un des préceptes culturels de cette contrée. Dont l’ancrage aux valeurs religieuses ne souffre d’aucun doute. Une conviction coutumière perpétuée, depuis des générations, et respectée par la plupart les habitants de cette ancienne bourgade du Fouladou, dont les plus âgés continuent d’inculquer ces profondes croyances à la nouvelle génération. SourceA, dans le cadre de ses reportages sociétaux, a fait un saut dans ce terroir pour y voir plus clair. Reportage.

A sept kilomètres de la Commune de N’dorna, se dresse un village. Connu pour son ancrage dans les valeurs religieuses, Sobouldé, ce terroir vieux de 85 ans, abritant un peu plus de mille âmes, nage, malgré sa religiosité remarquable, dans une profonde croyance culturelle, depuis sa création par Guirohallette Baldé. Dans cette ancienne bourgade, dont l’expansion porte l’empreinte d’un  grand dignitaire de l’Islam, Bobo Diallo, une foi s’est répandue. Dans cette Cité du département de Médina Yoro Foula, les hommes sont contraints à respecter l’interdit de ne point manger la partie dorsale du poulet. Sinon, bonjour les dégâts pour ceux, qui transgressent cette fatwa! Parce qu’ils peuvent en récolter une impuissance au lit. Cette conviction est d’une densité telle, que même les chefs de foyers ne pensent pas passer outre cette réalité culturelle. Pour en avoir davantage le cœur net, SourceA s’est transporté sur les lieux. Dans l’une des centaines de foyers, élit domicile une vieille dame. Son nom : Rougui. Elle est gardienne des traditions dans ce lieu musulman. Ses cheveux blancs, qui témoignent de l’avancement de son âge, n’ont impacté en rien sa lucidité et la clarté de ses propos.

La vieille Rougui : «par crainte que leurs hommes perdent leur virilité, les épouses ne servent jamais à ces derniers la partie, qui couvre le croupion, l’omoplate et le bassin du poulet»

Pour la vieille dame Rougui, «douter de cette considération culturelle équivaudrait à dénier le legs ancestral et rien d’autre. Que Dieu m’en préserve !», lance-t-elle.

Poursuivant son récit, la sexagénaire explique qu’elle-même a trouvé cette croyance perpétuée, de génération en génération, sans défaillance aucune. En clair, la «badiénou Gox» (Assistante communautaire) met en garde tout homme, qui s’aventurerait à violer «sa vérité» qu’elle dit préserver de toutes ses forces. Restant dans le sujet, grand-mère Rougui renseigne que, «par respect à cette coutume et par crainte que leurs hommes perdent leur virilité, les épouses ne servent jamais à ces derniers la partie, qui couvre le croupion, l’omoplate et le bassin du poulet».

Elle ajoute : «cette partie est, systématiquement, enlevée, après cuisson du met. Seules les femmes la dégusteront». A l’entendre s’expliquer, l’on comprend, avec aisance, l’inquiétude, qui anime Mère Rougui, qui a, certainement, peur que quelqu’un prenne le risque d’outrepasser cet interdit tant véhiculé, jusque-là, au sujet de la consommation sélective du poulet. Ainsi, la vielle renchérit : «j’ai, moi-même, vu des hommes qui ont perdu leur virilité, en transgressant cette règle…». Visiblement, soucieuse à nous convaincre, coûte que coûte, de nous prosterner devant cette croyance vieille de plusieurs décennies, Mère Rougui glisse : «mon fils, c’est une vérité absolue, notre coutume, on ne badine, surtout, pas avec..», avertit-elle.

Moutarou Baldé : «dans ce village, l’impuissance est trop mal vue. C’est pire que la mort»

Même réaction chez Moutarou Baldé, un notable du village. D’après lui, sa maman (Rougui) l’a, depuis sa tendre enfance, mis en garde contre la transgression de la coutume à la peau dure. Très enclin à ne point outrepasser cette interdiction, il dit craindre pour sa virilité. «Car, dans ce village, l’impuissance est trop mal vue. C’est pire que la mort», persiste et signe Moutarou Baldé.

Samba Kédiang, forgeron : «des hommes qui ont perdu leur virilité, pour avoir osé douter du bien-fondé de cet interdit, j’en ai vus»

En tout état de cause, l’impérieuse nécessité de se passer de cette partie dorsale du célèbre et succulent poulet pour garder sa combativité au lit, est une conviction, largement, partagée, dans ce village. Où, certains, que nous avons rencontrés, ont témoigné avoir vu des hommes sur qui le crépuscule s’est abattu. Samba Kédiang, un forgeron de la place, qui frôle les soixante ans, est l’un des habitants de Sobouldé, qui disent avoir vu la vie d’hommes s’écrouler comme un château de cartes. «Des hommes qui ont perdu leur virilité, pour avoir osé douter du bien-fondé de cet interdit, j’en ai vus», relate Samba Kédiang.

Pendant que des femmes que nous avons rencontrées, soutiennent ne jamais servir la partie interdite du poulet à leurs chers époux, de peur de ne pas avoir de progénitures, après plusieurs années de ménage, une autre réalité, cette fois-ci, loin des principes culturels, fait tout basculer….

 «La modernité risque de tout faire basculer…»

Avec la modernité, les valeurs culturelles et religieuses sont, généralement, en proie aux idées déconstruites de ces réalités. C’est, justement, ce qui s’est produit, avec l’interdiction d’une partie de l’oiseau domestique. En effet, au cours de notre voyage au cœur de la culture du Fouladou, un vieux du contré étale ses regrets de voir la modernité fouler au pied cette réalité ancestrale. La désolation se lisant sur le visage, le vieil homme dit constater que les jeunes «occidentalisés»  se sont débarrassés, progressivement, de cet interdit alimentaire.

Moustapha Barry : «il me sera, de toute façon, très difficile de céder, car j’adore cette partie du poulet, même si ma maman ne cesse de me menacer, pour que je me conforme à ce principe culturel…»

De plus, vu la modernité, il dit craindre que ces enfants subissent les conséquences de la violation de cette règle presque divine, en perdant leur virilité, sans se douter, un instant, que cette sanction provienne du manquement aux règles établies par les ancêtres, avant même que ce village ne voie naitre leurs parents.

Un mauvais sort qui risquerait de s’abattre sur Moustapha Barry, un jeune étudiant, qui  balaie d’un revers de main cette coutume. «Je ne crois pas à ces coutumes. Il me sera, de toute façon, très difficile de céder, car j’adore cette partie du poulet, même si ma maman ne cesse de me menacer, pour que je me conforme à ce principe culturel…». Avant d’ajouter qu’il ne compte pas respecter cela, car il trouve que c’est une manière pour les femmes gourmandes de s’emparer de la partie la plus douce du poulet. Pour un autre garçon, cet interdit lui rappelle celui qui consiste à mettre en garde 3 personnes qui se partagent la tête d’un poulet, au risque de s’empoigner, pendant toute leur existence. Ce à quoi, le jeune homme ne croit pas.

«Cet interdit n’a aucun fondement religieux… »

Il est établi que cette réalité culturelle s’est bien répandue dans ce village, malgré la nouvelle tendance, qui consiste à l’écarter. Il convient, par contre, de faire remarquer que cet interdit, quoique respecté par la majeure partie des habitants de ce village, surtout les plus âgés, n’a aucun fondement religieux, si l’on s’en tient à Oustaz Mamadou Seydi. En effet, ce marabout, fils du terroir, «l’Islam n’interdit aucune partie du poulet». De plus, étoffe-t-il, ce n’est que coutume. Même s’il estime que les natifs du village se doivent de se plier à cet interdit puisque cela fait partie de leur quotidien. S’agirait –il d’un mythe lors ?

                                                                                                                              Douma DIALLO, Correspondant à Kolda

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